Alain Robert & Seb Bouin ont fait ensemble l’ascension d’une tour de 187m de haut en solo intégral. C’est une chose de savoir qu’ils l’ont fait, c’en est une autre d’y avoir assisté.
On vous raconte :
Samedi 28 septembre – 9h30, Parvis de la Défense
Au milieu du décor impersonnel d’un hôtel luxueux, Alain Robert détonne : avec son ensemble bariolé violet et ses doigts strappés, impossible de ne pas le remarquer. À moins que ça ne soit l’armée de photographes & journalistes qui captent l’attention ?
En prenant le temps d’échanger avec eux, on apprend qu’ils ont repéré la Tour, la veille et qu’ils se sont un peu entraînés dessus et on devine l’état d’esprit dans lequel ils sont.
Il s’avère qu’on a affaire à un Alain plutôt détendu : « Là, on va grimper à deux, on va pouvoir tailler la bavette ! » et à un Seb, humain, qui va se lancer dans un solo intégral pour la première fois de sa vie : « Beeeen…. Il y a un peu tout qui se bouscule dans ma tête, là… » ,« on se lance pas dans un solo comme on se lance en falaise ».
Interview & photos : OK,
Strap : OK,
Tenue de scène : OK,
Échauffement : pas besoin (Ah?)
Ils sont prêts, on va y aller. Peu de gens le savent, mais un bout d’histoire va s’écrire.
Ambiance au pied de la tour
10h30 – Seb & Alain viennent de commencer leur ascension.
Seb rétablit sur une première plateforme à une dizaine de mètres de haut…. Pile au moment où un employé sort par une porte de service à leur hauteur.
[On ne peut qu’imaginer : le désarroi du mec : mais qu’est-ce que vous faites là? Grimper ? Mais pourquoi ? Mais vous avez pas le droit… Puis, le coup de pression, l’appel aux flics, Seb qui lui met une droite… (Non?)]
Bref, on n’a rien vu. Mais quoi qu’il en soit, quelques minutes plus tard, Seb s’élance sur 187 mètres de solo intégral, pour la première fois de sa vie. Il prend ses repères, l’escalade est assez saccadée : loin de la fluidité que l’on connaît de Seb Bouin.
Sacré baptême de l’air, en même temps. Alors, est-ce qu’on peut lui en vouloir ?
En bas, collé au mur de la tour d’en face, le cou tordu pour suivre leur ascension, un petit groupe s’active : les photographes & vidéastes changent d’angle. Pour nous (l’équipe du Salon), c’est une première : Est-ce qu’on est capable de regarder ça jusqu’au bout ? À croire qu’on est encore plus stressé que ceux qui sont en train de grimper…
Heureusement, il y a des habitués pour détendre l’atmosphère.
La relève : Léo Urban & Titouan Leduc nous changent les idées et nous racontent.
Léo & Titouan sont deux adeptes de l’urban climbing et le temps de l’ascension, ils nous ont raconté.
Ils nous parlent de leurs premières ascensions, des frayeurs qu’ils ont pu se faire : « C’est une peur utile. Ce qui devient inquiétant, c’est quand on n’a plus peur », de la notion de risque : « Les premiers mètres sont les plus stressants. Au bout d’un moment, la hauteur n’est qu’une information supplémentaire »
Ils nous ont parlé du rôle d’Alain Robert, source d’inspiration :
Alain Robert, c’était toute notre enfance !
Léo Urban
Ils savent qu’ils ne feront jamais aussi bien que les perf’ accomplies en falaise, notamment resteront un exploit. 8b en solo intégral : tout le monde s’accorde à dire que ces performances ne seront pas reproduites.
« Il faut remettre les choses dans leur contexte, aussi. Le type, il était dans une autre mentalité. À cette époque, il n’y avait pas les réseaux sociaux, il n’y avait pas toute la médiatisation.«
Ça a aussi été le moment de discuter des controverses sur ce types d’ascensions : grimper des buidlings en solo intégral, ce n’est pas un exemple.
Vraie question. Léo et Titouan nous expliquent qu’ils n’en font pas la promotion, qu’ils n’incitent pas à reproduire leurs performances : tout dépend du message qu’on met derrière. Alain, par exemple, il veut transmettre à ceux qui se sentent vieillir qu’on peut encore faire des choses, même à 50, 60 ans…
Au-dessus de nous, le temps file. Alain et Seb avalent les mètres. Et c’est vrai qu’au bout d’un moment, la grimpe mécanique s’est fluidifiée et en bas, la pression redescend d’un cran aussi.
Une performance de l’ombre.
La sécurité est venue baliser le pied de la tour, il y a bien quelques joggers qui lèvent un regard curieux, mais la prouesse passe inaperçue.
Sur le parvis, la vie a continué. À l’ombre de la face Nord de la Tour, bien à l’abri dans notre bulle, on en avait oublié que le soleil était bien haut désormais.
11h57. Ca y est, c’est fait.
Ils rétablissent au sommet. Depuis notre groupe, quelques applaudissements & cris de victoire, mais ça reste discret.
En repassant devant cette même tour, à la nuit tombée, on réalise ce qu’on a vu un petit bout d’histoire ce matin et que ce gratte-ciel aura désormais une nouvelle signification.
Bref, on y était.
Alain Robert, ambassadeur du Salon de l’Escalade de Paris 2025
Une légende. Comme un écho qui n’en finit pas de résonner, les performances d’Alain Robert se succèdent et ont traversé plusieurs générations depuis ses débuts en solo intégral dans les années 90’s : la preuve avec Léo, Titouan ou encore Alexis Landot qui ont suivi ses traces.
Mais, au-delà des buildings, Alain Robert a marqué l’histoire à travers des performances remarquables en falaise : les premiers 8b+ en solo de l’histoire et un bon nombre de voies en 7c+ ou dans le 8ème degré… Tout ça à une époque où grimper dans le 8ème degré, c’était déjà une perf !
Pour reprendre ses mots :
« Mon héritage, il est en falaise ! »
Alain Robert
On aimerait pouvoir vous restituer tous ses propos mais il le fera mieux que nous. Venez le rencontrer au Salon de l’Escalade les 11 & 12 janvier 2025 pour échanger avec lui (dans un cadre un peu plus légal)… Il n’y a que Seb qui pouvait se permettre de le rencontrer et de taper la discut’ sur une tour de 187 m en solo intégral.
Ce sera aussi l’occasion de se faire dédicacer un exemplaire de son livre :
Alice Garnier
Conceptrice-rédactrice freelance